Comprendre la jurisprudence sur l’indemnité d’éviction d’un bail commercial
La jurisprudence sur l’indemnité d’éviction d’un bail commercial joue un rôle central dans les litiges entre bailleurs et locataires.
Si la loi encadre le principe d’indemnisation, ce sont les décisions de justice qui précisent les montants, les exceptions et les critères d’évaluation du préjudice.
Dans cet article, nous vous présentons les grandes tendances jurisprudentielles, les décisions clés à connaître, et les stratégies concrètes pour défendre vos droits face à une éviction.
Dans cet article …
Pourquoi la jurisprudence est essentielle en matière d’indemnité d’éviction ?
En matière de bail commercial, le Code de commerce pose des règles claires. Mais leur application dans les tribunaux varie selon les situations, les preuves et les contextes économiques.
C’est pourquoi la jurisprudence est déterminante : elle donne vie au droit, affine les principes et fixe les repères.
📌 Pour comprendre les fondements juridiques et les démarches à engager, consultez notre guide sur la résiliation du bail commercial.

Un cadre légal précis, mais une application variable
L’article L.145-14 du Code de commerce prévoit que le locataire évincé sans motif légitime a droit à une indemnité d’éviction. Mais comment évaluer cette indemnité ? Sur quelles bases ? Et dans quels cas le bailleur peut-il échapper à ce paiement ?
Pour approfondir cette thématique, découvrez notre analyse complète sur l’indemnité d’éviction d’un bail commercial.
Les juges ont tranché des centaines de cas et chaque décision éclaire un aspect du litige :
Montant de la compensation
Preuves exigées
Délais tolérés
Évaluation du préjudice
La loi donne un socle, la jurisprudence trace les limites et guide les stratégies.
Une évolution constante des décisions
Les décisions rendues aujourd’hui ne sont pas les mêmes qu’il y a dix ans. Les tribunaux ont affiné leur appréciation de la clientèle attachée au local, de la valeur du droit au bail ou encore de l’impact des fautes du locataire sur le montant de l’indemnité.
Par exemple, les juridictions considèrent désormais que certains commerces “nomades” ou digitaux n’ont pas toujours droit à une indemnité complète, faute de clientèle localisée.
📘 C’est pourquoi il est essentiel de se référer à la jurisprudence la plus récente avant toute action ou négociation.
Les grands principes jurisprudentiels à connaître
Au fil des années, les tribunaux ont dégagé des constantes dans l’interprétation des règles sur l’indemnité d’éviction.
Ces principes orientent les stratégies de défense et d’indemnisation pour les deux parties. Voici ceux qu’il faut impérativement connaître.
Principe d’indemnisation intégrale du préjudice
Le juge doit replacer le locataire dans une situation économiquement équivalente à celle qu’il aurait connue si le bail avait été renouvelé. C’est le fondement du principe de réparation intégrale du préjudice.
Ainsi, la jurisprudence inclut :
La perte de la clientèle générée par le local
La valeur du droit au bail
Les frais de réinstallation, de déménagement, et parfois de repositionnement commercial
Les pertes d’exploitation, si le locataire ne retrouve pas immédiatement un nouveau local
Pour mieux comprendre le calcul de ces éléments, lisez notre article sur le calcul de l’indemnité d’éviction d’un bail commercial.
Un arrêt de la Cour de cassation (3e civ., 7 mai 2002) a précisé qu’il ne s’agissait pas d’un “forfait”, mais bien d’une évaluation au cas par cas, tenant compte de la réalité du commerce concerné.

Notion de clientèle et difficulté d’évaluation
La jurisprudence insiste sur un point : l’existence d’une clientèle attachée au local est une condition essentielle à l’octroi de l’indemnité d’éviction.
Mais cette notion est parfois délicate à prouver. Dans un arrêt de 2019, la cour d’appel de Paris a rejeté l’indemnité pour un agent commercial qui exploitait le local sans recevoir de clientèle physique.
En revanche, une activité e-commerce avec retrait en magasin a été considérée comme éligible, car la clientèle venait sur place.
Pour cerner les fondements du droit à indemnisation, consultez notre article sur la définition de l’indemnité d’éviction d’un bail commercial.
📘 Conclusion : la capacité à démontrer un lien direct entre le local et l’activité est déterminante pour obtenir réparation.
Jurisprudences marquantes des dernières années
La lecture de quelques décisions emblématiques permet de comprendre comment les juges évaluent concrètement les situations d’éviction, et quelles erreurs ou stratégies influencent le montant de l’indemnité accordée.
Décision sur le montant de l’indemnité lié au chiffre d’affaires
Dans un arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix, 17 février 2022), un locataire réclamait une indemnité de 120 000 € sur la base de la valorisation de son fonds de commerce.
Le juge a réduit le montant à 55 000 € après avoir constaté une baisse continue du chiffre d’affaires sur les trois dernières années.
Pour des cas spécifiques, consultez notre contenu dédié au calcul de l’indemnité d’éviction en résidence de tourisme ou en location meublée non professionnelle (LMNP).
Cette affaire rappelle que la rentabilité réelle de l’exploitation est un critère majeur d’évaluation, au-delà de la simple surface du local ou de l’activité déclarée.
Refus d’indemnité pour motif grave non démontré
Dans un litige opposant un bailleur à un restaurateur (CA Paris, 12 mai 2021), le propriétaire invoquait un comportement agressif et des retards répétés de paiement pour refuser l’indemnité d’éviction.
Mais le tribunal a constaté l’absence de mise en demeure régulière, et l’insuffisance des preuves.
Résultat : le bailleur a été condamné à verser l’intégralité de l’indemnité.
Cette jurisprudence illustre l’importance de prouver de manière formelle les fautes graves si l’on veut écarter l’indemnité.
Réduction de l’indemnité pour comportement fautif du locataire
Dans une autre affaire jugée à Lyon (CA Lyon, 9 novembre 2020), la cour a reconnu le droit du locataire à une indemnité… mais a réduit le montant de 30 %.
Motif : l’exploitant n’avait pas respecté une clause de destination et avait sous-loué sans autorisation.
Même si la clause résolutoire n’avait pas été activée, le comportement contractuellement fautif a pesé sur l’indemnisation finale. C’est une tendance croissante : les juges pondèrent le montant selon l’attitude des parties.
Stratégies issues de la jurisprudence pour locataires et bailleurs
Tirer les bonnes leçons des décisions passées, c’est se donner toutes les chances d’aboutir à une résolution favorable d’un litige. Voici les stratégies juridiques validées par la jurisprudence pour chaque partie.
Pour le locataire : anticiper, documenter, défendre son chiffre d’affaires
Un locataire bien préparé maximise ses chances d’obtenir une indemnité juste. Les juges sont attentifs aux éléments suivants :
Chiffre d’affaires stable ou en progression : les bilans sont souvent décisifs
Lien prouvé entre local et activité : présence de clientèle sur place, signalétique, notoriété de l’adresse
Démarches proactives dès le congé reçu : consultation d’un avocat, évaluation, négociation
🧾 Pour approfondir ces leviers, reportez-vous à notre page dédiée à l’indemnité d’éviction d’un bail commercial.
Exemple : une commerçante à Bordeaux a obtenu 110 000 € d’indemnité après avoir présenté une étude d’implantation, des justificatifs de fréquentation et une perte estimée à 18 mois de chiffre d’affaires.
🟢 Conseil : ne pas attendre l’expulsion pour agir. L’anticipation est une arme juridique.
Pour le bailleur : justifier toute reprise ou refus
Les tribunaux demandent des justifications solides avant de valider un refus de renouvellement sans indemnité :
Motif grave : preuves écrites, mises en demeure, constats d’huissier
Projet sérieux de reprise ou de démolition : permis de construire, devis, calendrier
Exemple : à Marseille, un bailleur a échappé au paiement d’une indemnité en prouvant la transformation du bâtiment en résidence étudiante, avec tous les documents administratifs à l’appui.
🔴 Erreur fréquente : invoquer un prétexte sans preuve tangible. Cela se retourne presque toujours contre le bailleur.

Conclusion
Les décisions de justice montrent que chaque dossier d’éviction est unique, évalué selon les preuves apportées, la cohérence des arguments et le comportement des parties.
La jurisprudence offre des repères précieux, mais c’est l’anticipation et la rigueur qui font souvent la différence.
Chez Bailcom, nous accompagnons bailleurs et locataires dans l’analyse de leurs droits, la constitution de leurs dossiers, et la négociation d’une issue équitable.
📘 Besoin d’un éclairage sur votre situation ? Faites appel à un avocat partenaire pour évaluer vos droits selon la jurisprudence sur l’indemnité d’éviction d’un bail commercial.