Calcul de l’indemnité d’éviction d’un bail commercial en résidence de tourisme
Le calcul de l’indemnité d’éviction d’un bail commercial en résidence de tourisme soulève des enjeux juridiques et financiers complexes, tant pour l’exploitant que pour le bailleur.
Ce type d’activité, fortement encadré et souvent lié à des investissements importants, nécessite une approche spécifique lors d’une fin de bail.
Dans cet article, nous décryptons les règles applicables, les méthodes de calcul adaptées aux résidences de tourisme, et les meilleures pratiques pour anticiper, négocier ou contester une indemnité d’éviction.
Le tout dans le cadre d’une résiliation du bail commercial.
Dans cet article …
Comprendre l’indemnité d’éviction en résidence de tourisme
La résidence de tourisme est un secteur très encadré, mêlant immobilier commercial, exploitation para-hôtelière et règles de copropriété.
Lorsque le bail arrive à son terme et que le renouvellement est refusé, l’exploitant peut être confronté à une résiliation du bail commercial, ouvrant droit sous conditions à une indemnité d’éviction d’un bail commercial.

Définition légale et cadre juridique
L’indemnité d’éviction est définie par l’article L.145-14 du Code de commerce. Elle est due par le bailleur en cas de refus de renouvellement du bail sans motif grave et légitime.
Ce droit s’applique aux baux commerciaux classiques, et donc à ceux conclus pour l’exploitation de résidences de tourisme.
📘 Particularité : dans ce secteur, les baux sont souvent signés pour 9 ou 12 ans avec un exploitant professionnel, et peuvent inclure des clauses spécifiques liées aux prestations para-hôtelières ou à la gestion collective de la résidence.
Spécificités des baux commerciaux en résidences de tourisme
Les exploitants de résidences de tourisme gèrent un fonds de commerce constitué de services (ménage, accueil, entretien…), mais aussi de l’emplacement commercial et de la notoriété de l’établissement.
Cela implique :
Une clientèle souvent mutualisée, rendant l’évaluation du fonds plus complexe.
Des aménagements coûteux (réception, mobilier, systèmes informatiques) à prendre en compte dans l’évaluation.
Une forte dépendance à la localisation touristique, qui influence directement la valeur du droit au bail.
🟢 Le juge, lorsqu’il est saisi, apprécie ces éléments pour déterminer s’il y a perte réelle du fonds ou simple déplacement d’activité possible.
Les composantes de l’indemnité d’éviction
Dans une résidence de tourisme, l’indemnité d’éviction ne se limite pas à la seule perte du local. Elle doit couvrir l’ensemble des préjudices subis par l’exploitant en raison du non-renouvellement du bail.
Cela inclut des postes souvent plus techniques que dans les autres secteurs commerciaux.
Indemnité principale : fonds de commerce ou droit au bail
Deux cas de figure peuvent se présenter :
Le fonds de commerce est perdu : lorsque le local est essentiel à l’exploitation et que l’activité ne peut être transférée sans perte de clientèle ni d’exploitation, l’indemnité vise à compenser la valeur marchande du fonds.
Le fonds est transférable : si l’exploitant peut poursuivre l’activité dans un autre lieu sans impact majeur, l’indemnité est alors calculée sur la base de la perte du droit au bail.
📘 Dans une résidence de tourisme, la difficulté réside dans la preuve de l’attachement de la clientèle au site lui-même, et non seulement à la marque ou à l’enseigne. Plusieurs décisions illustrent bien cette complexité (jurisprudence sur l’indemnité d’éviction d’un bail commercial).
Indemnités accessoires : coûts directs liés au départ
Ces indemnités sont souvent sous-estimées alors qu’elles représentent des montants significatifs, notamment dans le secteur touristique :
Frais de réinstallation : recherche et aménagement d’un nouveau site, transport de matériel, marketing pour relancer l’activité.
Indemnités de licenciement : en cas de réduction de personnel liée à la fermeture ou au transfert du site.
Frais de double loyer : si le nouvel emplacement est pris en location avant la libération du local actuel.
Frais d’adaptation réglementaire : sécurité incendie, accessibilité, classement en résidence de tourisme.
🎯 Conseil : plus le dossier est documenté avec factures, devis et bilans, plus l’évaluation de ces frais pourra être valorisée par le juge ou un expert.

Méthodes de calcul spécifiques
Le calcul de l’indemnité d’éviction d’un bail commercial en LMNP ou en résidence de tourisme nécessite une approche adaptée, car il s’agit d’une activité hybride : à la fois commerciale, hôtelière, et parfois immobilière.
Prise en compte du chiffre d’affaires et de l’EBE
La méthode la plus fréquemment retenue repose sur une estimation fondée sur les données économiques suivantes :
Chiffre d’affaires moyen sur les 3 dernières années
Excédent brut d’exploitation (EBE), pour mesurer la rentabilité réelle de l’activité
Taux d’occupation et saisonnalité, éléments clés dans le secteur touristique
Ancienneté de l’exploitation : plus l’activité est installée, plus le préjudice potentiel est élevé
🧮 Exemple : un exploitant générant 500 000 € de CA avec un EBE stable de 20 % pourrait se voir reconnaître un préjudice correspondant à 1 à 2 années d’EBE selon les circonstances (calcul de l’indemnité d’éviction d’un bail commercial).
Valorisation des investissements spécifiques
Les résidences de tourisme impliquent souvent des investissements lourds non repris par le bailleur, qu’il faut intégrer dans le calcul :
Mobilier et équipements non amortis (réception, buanderie, salle de petit-déjeuner…)
Logiciels de gestion, centrales de réservation, signalétique
Mise aux normes spécifiques (sécurité, accessibilité, classement étoilé)
🎯 Astuce : un rapport d’expert bien argumenté peut justifier une indemnité supérieure à celle proposée initialement par le bailleur.
Procédure d’évaluation et de versement
Même si le montant de l’indemnité semble clair sur le papier, sa reconnaissance et son paiement suivent un cadre bien défini.
Évaluation amiable : rôle des experts
La première étape est souvent une tentative de négociation amiable entre bailleur et locataire. Cette phase permet de :
Gagner du temps et éviter une procédure judiciaire longue et coûteuse
Discuter librement des postes d’indemnisation
Faire intervenir un expert indépendant choisi conjointement
🟢 Conseil : pour que cette phase réussisse, il faut fournir un dossier complet dès le départ, avec bilans, relevés d’occupation, inventaires du mobilier, etc.
Évaluation judiciaire : recours en cas de désaccord
En cas d’échec des discussions ou de désaccord manifeste sur le montant, le locataire peut saisir le tribunal judiciaire pour obtenir la fixation de l’indemnité.
Le juge se fonde alors sur :
Les éléments comptables et juridiques fournis
Les expertises contradictoires éventuelles
Les références jurisprudentielles en matière d’activité touristique
📘 Attention : la procédure peut prendre plusieurs mois, voire un an ou plus. Mais elle peut aboutir à une indemnité nettement plus favorable que celle initialement proposée par le bailleur.
Versement de l’indemnité
Une fois l’indemnité fixée :
Le bailleur dispose d’un délai de 15 jours pour exercer son droit de repentir.
S’il confirme son refus, il doit verser l’indemnité dans les 3 mois suivant la notification du jugement ou de l’accord amiable.
En cas de non-paiement, le locataire peut engager une procédure d’exécution forcée, voire réclamer des dommages-intérêts supplémentaires.
Conseils pratiques pour les parties
Pour le locataire exploitant
Vous gérez une résidence de tourisme et faites face à un refus de renouvellement de bail ? Voici les bonnes pratiques à adopter :
Préparez un dossier complet : bilans comptables, taux d’occupation, inventaire des équipements, etc.
Faites appel à un expert indépendant pour évaluer le fonds, les investissements et les pertes futures.
Documentez les spécificités du site.
Anticipez les coûts de relocalisation.
Ne signez rien sans avis juridique.
🎯 Conseil : Un accompagnement par un avocat spécialisé en baux commerciaux touristiques est souvent rentabilisé par l’optimisation de l’indemnité finale.
Pour le bailleur
Vous souhaitez reprendre le local exploité en résidence de tourisme ou y mettre fin ? Voici les points de vigilance :
Évaluez en amont le coût potentiel de l’indemnité.
Justifiez tout refus par écrit et preuves à l’appui.
Anticipez les délais.
Envisagez une négociation amiable.
📘 Conseil Bailcom : un congé mal rédigé ou insuffisamment motivé peut annuler la procédure… et vous exposer à un contentieux coûteux.

Conclusion
L’éviction d’un exploitant en résidence de tourisme ne s’improvise pas.
Le calcul de l’indemnité, sa négociation et son versement exigent une approche rigoureuse, une documentation solide et une bonne maîtrise des règles juridiques propres au secteur.
Qu’il s’agisse d’anticiper un refus de renouvellement ou de défendre ses droits après un congé, il est crucial d’agir vite, de chiffrer avec précision chaque préjudice, et de se faire accompagner par des professionnels aguerris.
Tout cela s’inscrit dans une stratégie bien pensée de résiliation du bail commercial.